L’urbanisation et la littérature populaire se développent tout le long d’un dix-neuvième siècle traversé par les bouleversements politiques et la révolution industrielle. L’œuvre d’Eugène Sue va créer en Europe le terreau propice à l’émergence du roman policier.
Au XIXe siècle, le succès des Mystères de Paris d’Eugène Sue (1842-1843) est tel qu’il donne lieu dans toute l’Europe à une formidable vogue des « mystères urbains », avec des centaines de romans, parmi lesquels TheMysteries of London de Reynolds (1844-1845), IMisteri di Napoli de Mastriani (1869), Les Mystères d’Athènes d’Aspridis (Ἀπόκρυφα Ἀθηνῶν, 1855) ou encore Les Bas-fonds de Saint-Pétersbourg de Krestovski (Петербургские трущобы, 1864-1866). Le développement de la presse favorise la circulation des imaginaires à l’échelle internationale et, très vite, chaque ville européenne suscite un de ces récits de misère et de crime.
L’importance du genre s’explique par les transformations de la société au XIXe siècle. La ville moderne fascine avec sa promiscuité sociale et ses poches de misère qui engendrent de l’insécurité. Elle devient un espace inquiétant, traversé de zones d’ombres et de secrets que les écrivains se font fort de révéler. Le développement de la presse, en installant les logiques d’une culture médiatique, impose l’idée que la réalité ne peut plus être saisie par l’expérience directe, mais qu’il faut désormais en prendre connaissance par les journaux. Si un tel imaginaire n’est pas encore celui du roman policier (la police y est discrète, le récit de la misère compte autant que celui du crime, et il s’agit avant tout d’offrir une peinture de la société), c’est bien dans ces œuvres diffusées dans toute l’Europe qu’il faut chercher son origine.
C’est le roman populaire qui va prendre la charge de cet imaginaire criminel, sous forme de romans-feuilletons en France, de Penny Bloods en Grande-Bretagne ou de romans à bas prix diffusés en volumes ou en livraisons. Le succès de ce premier grand genre de fictions criminelles modernes se prolonge tout au long du XIXe siècle dans toute l’Europe. Les romans judiciaires de Gaboriau en France, les sensation novels anglais (W. Collins ou M. E. Braddon), les récits de Jarro en Italie, ou en Autriche ceux d’Auguste Groner (qui fait la transition avec le modèle des détectives) en sont les héritiers.
Focus
Un monde de mystères !
Parus par centaines au XIXe siècle, les récits de mystères urbains décrivent les dangers de la cité moderne, avec ses bas-fonds, sa misère, sa pègre, ses riches pervertis et ses justiciers s’efforçant de préserver l’ordre. Dans leur peinture de la société, leur caractérisation des personnages ou leur façon de se nourrir des faits divers du temps à travers des intrigues exploitant un imaginaire du secret et de la machination, ils posent les bases du futur roman policier.
Le théâtre criminel
Au XIXe siècle, le théâtre est l’un des modes de diffusion privilégié des fictions criminelles. Déjà, Les Mystères de Paris et autres mystères urbains ont pu donner lieu à des adaptations aux décors souvent spectaculaires. Mais la vogue ne tarit pas au fil du siècle et, jusqu’à la Première Guerre mondiale, pièces criminelles et policières s’enchaînent, avant que le cinéma ne contribue à marginaliser le genre.
Roman Judiciaire et Sensation fiction
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’imaginaire social du mystère urbain laisse place en France au roman judiciaire et en Grande-Bretagne aux sensation fictions. Souvent plus brefs que les mystères urbains, ces récits privilégient une intrigue privée aux tonalités gothiques, dans laquelle l’enquête policière gagne en importance. La dimension politique et collective de l’imaginaire reflue au profit d’un questionnement des normes et de leur transgression à une époque où la culture bourgeoise impose ses modèles.
Apaches et bas-fonds
Au début du XXe siècle, alors que l’imaginaire des mystères urbains à la française est de plus en plus concurrencé par les récits de détectives anglo-saxons, l’apache, voyou des faubourgs parisiens, devient en Espagne, en Italie ou en Allemagne, la dernière incarnation pittoresque du Paris canaille. À travers lui se dessine la peur de la pègre, comme système organisé du crime, qui conduira les sociétés occidentales à rationaliser leurs dispositifs policiers.
Sous la direction de Dominique Kalifa et Marie-Eve Thérenty, actes du colloque Les Mystères urbains au XIXe siècle : Circulations, transferts, appropriations. 2016 http://www.medias19.org/index.php?id=17039
Ce site peut utiliser des cookies pour améliorer votre expérience utilisateur. Nous supposerons que cela vous convient, mais vous pouvez vous désabonner si vous le souhaitez.. RéglagesJ'accepte
Privacy & Cookies Policy
Aperçu de confidentialité
Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience de navigation sur le site.Hors de ces cookies, les cookies classés comme nécessaires sont stockés dans votre navigateur car ils sont essentiels au fonctionnement des fonctionnalités de base du site.Nous utilisons également des cookies tiers qui nous aident à analyser et à comprendre comment vous utilisez ce site.Ces cookies ne seront stockés dans votre navigateur qu'avec votre consentement.Vous avez également la possibilité de désactiver ces cookies.Toutefois, la désactivation de certains de ces cookies peut avoir une incidence sur votre expérience de navigation.
Les cookies nécessaires sont absolument essentiels au bon fonctionnement du site. Cette catégorie inclut uniquement les cookies qui garantissent les fonctionnalités de base et les fonctionnalités de sécurité du site Web. Ces cookies ne stockent aucune information personnelle.